Pédagogie "socio-constructiviste", formation professionnelle pour adulte et TIC

Dans des articles précédents de ce blog, j’ai souvent évoqué la « stratégie pédagogique » que j’essaie d’appliquer concrètement au quotidien.

Cette « stratégie pédago » s’est construite en plusieurs années sur la base de mon expérience d’apprenant, de mon expérience de formateur et d’échanges avec d’autres formateurs. Elle s’est assez succinctement « théorisée » lors de rencontres avec des personnes qui m’ont marqué. Elle ne vient pratiquement pas d’études ou de recherches pédagogiques. Elle s’appuie ou se greffe cependant sur quelques concepts clefs que j’ai picorés de ci de là…

Je vais expliciter dans cet article les concepts clefs et donner un exemple concret de leur application en formation.

Concept clef : la pédagogie « socio-constructiviste »
Elle repose elle-même sur les concepts suivants (je cite) :

le constructivisme :
La connaissance ne résulte pas d’une simple « transmission » d’information mais se « construit » à partir de l’interprétation et de la compréhension constamment renouvelées qui s’élaborent à partir de représentations antérieures que le sujet s’est déjà forgées. Les gens construisent activement leurs nouvelles connaissances en interagissant avec leur voisinage.

le constructionisme :
L’apprentissage est particulièrement efficace lorsque l’on construit quelque chose pour que d’autres l’expérimentent, lorsque l’on reformule à sa manière ce qui a été appris.

le socio-constructivisme :
Le socioconstructivisme qui s’ancre au constructivisme met l’accent sur le rôle des interactions sociales multiples dans la construction des savoirs. Les auteurs parlent de processus interpsychiques et de processus intrapsychiques plutôt que de processus uniquement intrapsychiques.

L’ approche empathique
L’apprenant accepte la subjectivité, essaye d’écouter et de poser des questions afin de comprendre le point de vue de l’autre. Dans une communauté d’apprentissage, cette approche est un très puissant stimulant pour l’apprentissage, non seulement parce qu’il permet le rapprochement des personnes, mais parce qu’il favorise une réflexion plus profonde et un examen des propres croyances de chacun.

Concept clef : « L’employabilité » repose sur 3 compétences génériques » :

  • la compétence technique (les gestes et la culture du métier),
  • la capacité à « gérer » au sens large (gérer son temps, son travail, ses projets, ses relations avec les autres, employeurs, collègues, subordonnés…)
  • la capacité à « communiquer » : accéder à l’information (écouter, lire, entendre ce qui est réellement dit), faire parvenir une information (dire, écrire, mailer… et faire comprendre ce que l’on veut dire)

L’objectif de la formation professionnelle pour adulte c’est la capacité à être « employable » dans un métier : capacité à l’exercer et à être recruté.

Les connaissances ne sont dans cette optique qu’un des « moyens » nécessaires.

Cet objectif d’employabilité donne une dimension à la formation professionnelle qui dépasse de loin la simple transmission de gestes professionnels à laquelle la cantonnent souvent les discours politiques …et les budgets qui en découlent.

On va travailler sur la « construction des personnes », pas seulement leur injecter des connaissances techniques ou leur faire répéter des gestes.
L’individu lui-même est à la fois le sujet et l’objet de la formation…

Concept clef : la ressource essentielle, c’est le groupe d’apprenants
C’est l’échange avec les autres, la compréhension d’autres points de vue, la découverte d’autres chemins pour aboutir à une solution, la capacité à se remettre en question pour fonctionner « avec d’autres » qui transforment l’apprenant et le rendent plus compétent, pas seulement techniquement, mais « dans la vie ».

La ressource principale en formation est donc, pour moi, constituée… des autres apprenants.

Je vais donc, le plus souvent possible, proposer aux « stagiaires » de travailler en petits groupes pour travailler un apprentissage (groupes de 2 à 5 en général).

Concept clef : apprendre à partir de situations proches de la réalité
Si on se réfère à l’idée que « L’acte d’apprendre est une interprétation d’une expérience ou d’un phénomène saisi dans son contexte. », une des solutions efficaces est de proposer des situations d’apprentissage proches de la réalité, dans des contextes eux aussi proches de la « vraie vie ».

L’arsenal des travaux pratiques et des simulations est large, mais le fait de travailler en équipe est lui identique à ce qui se passe dans la réalité, et la difficulté technique est souvent moindre que la difficulté à produire à plusieurs. C’est un argument supplémentaire pour l’apprentissage à plusieurs.

Concept clef : faire « produire de l’intelligence » aux apprenants
Produire de l’intelligence, c’est inventer, assembler des idées ou des méthodes de façon à proposer des solutions nouvelles ou améliorées par rapport à l’existant accessible. C’est tout l’inverse de réciter ou reproduire.

La traduction concrète en pédagogie de formation professionnelle, c’est de proposer aux apprenants de produire eux-même les « savoirs » : par exemple de rassembler et de présenter de façon utilisable par d’autres des informations concernant une tâche du métier qui étaient dispersées jusqu’alors, ou de rédiger un guide de travail pour une tâche précise à partir de d’expérimentations vécues.

Cette production, quand elle est réalisée en groupes, met en œuvre une « co-construction » des savoirs particulièrement efficace sur le plan pédagogique.
Si on ajoute à ces travaux une analyse collective de la production et de la façon dont on l’a produite, on a ajouté à cette production d’intelligence la capacité à savoir comment on a réussi (ou raté) : « la métacognition désigne l’analyse que l’apprenant fait de son propre fonctionnement intellectuel. »

Exemple concret qui date de 15 jours à peine :

Les apprenants avec qui je travaille en ce moment se préparent pendant un an à diriger des établissements touristiques. Ils devront donc embaucher et pour cela respecter le droit du travail et se retrouver dans le dédale des contrats de travail existant en France. Pour les aider à se former sur cette compétence, J’ai mis en place 3 séances :

  1. Nous avons assisté à une session des prudhommes
  2. Ils ont produit une ressource sur les contrats
  3. Ils ont travaillé une journée avec une avocate sur le droit du travail et les situations conflictuelles entre salariés et directeurs

Pour la séance 1, celle qui les amenait à produire eux-même la ressource sur les contrats, je leur ai donné les consignes de travail ci-dessous :
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Cette séance vous aidera à identifier ce qu’est un contrat de travail et à repérer les types de contrats mis en œuvre couramment dans les établissements touristiques.
durée : 12h
agenda :

  • 09/03/09 10:00 atelier sur les contrats de travail
  • 09/03/09 13:30 atelier sur les contrats de travail
  • 11/03/09 09:00 atelier sur les contrats de travail

lieu : salle RET et campus virtuel
déroulement :

tâche n° 1 (1 heure) : elle sera réalisée individuellement et consistera à trouver sur le Web une information synthétique sur ce qu’est un contrat de travail, ce qui le caractérise, ce qu’il définit, ce qu’il ne définit pas, les procédures qu’il nécessite pour être valide.

tâche n° 2 (1 heure) : Vous comparerez le résultat de vos recherches en grand groupe (14 personnes) et vous constituerez un fichier rassemblant les éléments essentiels (1000 mots maxi) que vous aurez trouvé en précisant les sources (adresses URL, provenance) : 1 heure environ

tâche n° 3 : Vous vous répartirez ensuite en sous-groupe de 2 pour rédiger des fiches synthétiques sur les types de contrats mis en œuvre couramment dans les établissements touristiques. A vous de déterminer les catégories utiles et de définir les sous groupes en conséquence. Pour info, on trouvait l’an dernier des CDI, CDD, CDD saisonniers, temps partiel, extra, travail annualisé, contrats au pair, contrats d’apprentissage et contrats de professionnalisation, interim… etc.

tâche n° 4 : Vous comparerez le résultat de vos recherches en grand groupe et vous définirez les rubriques utiles d’une fiche type qui servira à chaque sous-groupe pour décrire ces contrats de travail (1 fiche ne dépasse pas 2 page).

tâche n° 5 : Chaque sous-groupe rédigera ses fiches en indiquant les sources des informations (adresses URL, provenance) et en indiquant les membres du sous groupe sous le titre.

tâche n° 6 (fichier R09contratsW.doc) : Vous regrouperez ensuite le contenu du premier travail réalisé sur « le contrat de travail » et les fiches de chaque sous-groupe en un seul fichier. Prévoyez une page de garde et un sommaire : 1 heure environ. Nom du fichier : R09contratsW.doc

tâche n° 7 (banque de contrats R09contrats_types.zip) : Vous constituerez (si vous les trouvez) une banque de fichiers de contrats type pour CDI, CDD, CDD saisonniers, extra, temps partiel, travail annualisé, etc. Vous les placerez dans une archive Zip nommée R09contrats_types.zip

tâche n° 8 : L’une ou l’un d’entre-vous déposera les fichiers R09contratsW.doc et R09contrats_types.zip sur l’espace dépôt ci-dessous

tâche n° 9 : Nous consulterons ensemble la semaine suivante les ressources que vous aurez réalisées, nous évaluerons leurs points forts et points faibles, nous évaluerons aussi le fonctionnement du groupe pour cette production et ce qui pourrait améliorer son efficacité pour un autre atelier de ce type dans l’avenir

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J’espère que je ne radote pas trop et je suis intelligible ?
Et en plus, cerise sur le gâteau, je me débrouille autant que possible pour que ça marche même à distance, avec un campus virtuel !
🙂
Gilles Le Page

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