La formation à distance, ça marche !

La formation à distance, ça marche !

La formation à distance, ça marche !

Le confinement lié au Covid19 pousse de nombreux organismes de formation à trouver du jour au lendemain des solutions en ligne pour assurer les cours et les formations. La mise en place est souvent désordonnée, sans stratégie définie, et sans compétence sur la pédagogie de la formation à distance. Cet article vise à partager quelques suggestions issues de l’expérience.

L’idée de cet article vient de la lecture de l’article   “Confinement et Classe inversée”  dans le blog passionnant madameflip.com
blog

Cet article et ce blog s’adressent surtout à des enseignants travaillant avec des élèves très jeunes (primaire, collège). La formation professionnelle d’adultes est mon champ d’intervention, et certaines affirmations de madameflip.com m’ont étonné : on ne peut pas les appliquer telles quelles quand on forme des étudiants adultes.

Je suis 100% d’accord avec les affirmations suivantes : “La classe inversée est pour moi une manière d’optimiser mon temps de présence en classe, de le rendre plus efficace.” – “Apprendre avec des capsules est impossible » (… avec seulement des capsules) –  “Qui peut croire que quelques minutes de capsule vont permettre aux élèves de …

Celle-ci me semble à prendre avec précaution, en tout cas quand il s’agit d’adultes : “ … l’enseignement à distance, ça ne fonctionne pas.”

Cet article est plein de bon sens. Il a pour objectif de pondérer la pratique pédagogique de ceux qui découvrent l’usage de l’enseignement à distance en raison du confinement. Sa lecture serait très utile à celles et ceux, décideurs compris, qui imaginent encore qu’il est possible d’acquérir des savoir-faire à distance en regardant des capsules vidéos ou des diapos, puis en répondant à des quizz.

Elearning et formation d’adultes

Voici quelques arguments pour défendre l’intérêt et l’efficacité de l’enseignement à distance en formation d’adultes, et quelques propositions pour le mettre en oeuvre avec pédagogie.

1. Acquérir des connaissances ≠ acquérir des savoir faire  

compétences et connaissancesOn peut acquérir des connaissances en consultant des ressources, comme on peut apprendre des mots en lisant un dictionnaire. 

Acquérir des savoir faire est profondément différent d’acquérir des connaissances, et savoir accorder un adjectif avec le complément d’objet est tout sauf une connaissance : c’est un savoir faire, comme celui de monter un parpaing sur un autre correctement, comme celui de soigner un malade du covid19. … (je ne connais pas de médecin qui ait acquis ses savoir faire en lisant l’encyclopédie médicale)

Ce n’est pas au moment où on lit la ressource qu’on devient compétent, c’est quand on applique ce qu’elle propose, avec des essais et des erreurs et, encore mieux, en le faisant avec d’autres, en collaboratif.

3. Ecole et classe inversée

classe inversée

L’école, celle où on utilise en général la « classe inversée » est un espace d’apprentissage de la vie, et un espace collectif, avec des apprentissages en groupe. Chaque élève contribue à la formation des autres. Un enfant seul avec un enseignant apprendra moins la vie qu’un enfant dans un groupe d’élève avec le même enseignant. Et, seul, il aura aussi plus de mal à acquérir les savoir faire visés que s’il les travaille en groupe.

Dans ce sens, la classe inversée (celle que je connais) est une pratique pédagogique qui permet à l’élève de commencer chez lui à se confronter brièvement à des informations, à une problématique, par une capsule vidéo ou une série de dessins, ou un document simple. On lui propose ensuite, à l’école, en groupe ou sous-groupes, de travailler sur ces éléments pour assimiler des solutions, des savoir-faire.

C’est ce travail en petit groupe sous la conduite de l’enseignant qui va permettre à l’élève d’assimiler, d’acquérir des savoir faire. Il confronte ce qu’il a compris et sa façon de résoudre le problème posé (accord de l’adjectif par ex.) avec les solutions des autres élèves, et par tentatives successives, ils construisent ensemble une capacité, un savoir faire. L’enseignant facilite, gère, anime les temps de capitalisation, etc. On revient ensuite en grand groupe sur les difficultés rencontrées, sur les solutions pertinentes trouvées, et sur les bonnes pratiques à retenir.

3. enseignant utileL’enseignant, comme le formateur, est utile en formation à distance

  • il possède la compétence technique visée,
  • il possède la « culture » de la compétence technique visée (de son contexte d’application),
  • il possède une compétence pédagogique, il sait organiser des apprentissages, gérer, réguler et animer des groupes d’apprenants, il est capable de mesurer l’atteinte d’objectifs d’apprentissage.
  • Il transmet des valeurs, particulièrement pour les élèves très jeunes: c’est l’un des adultes qui va transmettre par son comportement un système de valeurs, pas seulement des compétences et connaissances.

4. « L’humain » est essentiel dans la transmission.

humain essentielLa relation humaine est à mon avis un des ingrédients utiles à l’apprentissage. Certaines « maîtresses » (et « maîtres ») d’école m’ont transmis des valeurs qui me conduisent encore dans la vie aujourd’hui, 60 ans après (merci à eux, infiniment !). Ils me les ont transmises par leur comportement, leur écoute. C’est avec eux que j’ai le mieux compris et le plus appris, avec motivation et plaisir d’apprendre. Même avec une visio-conférence, le non verbal est en grande partie absent : on ne voit pas les corps bouger, on “ressent” moins les autres et leurs émotions. Quand je conçois ou anime une formation à distance, je tente de favoriser cette relation humaine. C’est pour cette raison que le “blended learning” me semble à privilégier  (le Blended learning mixe séances en “face à face” et les séances à distance). C’est aussi pour cela que les apprentissages collaboratifs ont tant d’importance dans le elearning.

5. Apprentissages collaboratifs

apprentissages collaboratifsL’humain est au centre des apprentissages collaboratifs. C’est grâce à d’autres étudiants que j’ai réussi un master à distance il y a une quinzaine d’années. J’ai beaucoup appris de mes co-apprenants pendant les trois années de ce master “tout à distance”. Pas chaque soir mais presque, 6 mois par an pendant 3 ans, nous avons collaboré : un étudiant vivait au Brésil, deux autres à Bordeaux et un à Blois. J’habitais en Corrèze, dans un village ou la connexion Internet passait par le téléphone, en 56 kbit/s … si si  ! C’est au bout des 3 années du master que nous nous sommes rencontrés « en vrai », lors du passage devant le jury. Nous avions le sentiment de bien nous connaître, nous avions été utiles les uns aux autres. Notre compétence et notre réussite se sont construites sur trois ans de travaux collaboratifs, bien plus que sur les ressources mises à disposition sur la plateforme. Cette université (Limoges) était déjà précurseur à l’époque en termes de pédagogie elearning.

6. Apprendre à plusieurs à distance, la visio ?

visio conférenceComment peut-on « être à plusieurs » pour apprendre quand on est à distance ? Le premier réflexe est de penser « classe virtuelle » et visio-conférence avec partage d’écran.

Ce sont des solutions superbes,. Elles sont cependant compliquées à mettre en oeuvre quand certains participants sont mal équipés, ne maîtrisent pas les outils, quand les connexions sont difficiles ou le débit incertain. La visio-conférence avec des élèves est loin d’être aussi efficace qu’un travail dans une salle, autour d’une table. Les échanges sont plus lents, le son et la visio coupent fréquemment, la gestion technique prend souvent le pas sur la production. … Et les pauses café ne sont pas aussi agréables.

La visio est un outil merveilleux pour faire connaissance avec un groupe, lancer un cours ou le conclure, organiser une réunion ponctuelle. C’est rarement l’outil idéal pour travailler à plusieurs, en particulier en grand groupe.

7. Apprendre à plusieurs à distance, les outils collaboratifs

outils collaboratifsFort heureusement, d’autres solutions existent, agréables, pratiques, efficaces … et gratuites ! Le temps des échanges par courriel est passé. On peut rédiger en mode asynchrone sur un document en ligne avec Framapad ou Googledoc. On peut construire des cartes mentales en ligne avec MindMeister ou Framindmap. On peut utiliser le téléphone, avoir des conversations audio en groupe avec Jitsi (si on ferme les webcams). On peut créer des tableaux de post-it perfectionnés avec Lino.it. On peut aussi utiliser les nombreuses opportunités d’activités collaboratives offertes par une plateforme comme Moodle (Wikis, ateliers, travaux de groupes, etc.). J’en oublie !

Slogan Moodle

Ce qui importe, ce n’est pas l’outil, c’est, comme le disait un des profs de Limoges de “produire de l’intelligence” en travaillant à plusieurs sur une situation à résoudre.

Le fait d’apprendre à plusieurs est un apprentissage de la vie, pas seulement des objectifs définis pour la formation. On apprend à travailler en équipe, on confronte ses connaissances et ses solutions à celles des autres, on choisit en mode collaboratif une solution collective, on apprend à gérer un projet, à négocier, à penser « out of the box ». Toutes ces aptitudes sont recherchées par les entreprises.

8. Repenser l’échelle du temps des cours

échelle du tempsApprendre à plusieurs à distance impose (pour moi) que l’enseignant modifie fortement la progression sur l’échelle du temps. Un travail en groupe en mode « présentiel » peut éventuellement être réalisé sur une journée, mais ce même travail en groupe à distance va prendre plusieurs jours. Le temps de travail de chaque étudiant sera peut être le même, mais il sera réparti sur une période plus longue, parce que s’organiser  et produire à plusieurs est « chronophage » et impose un temps morcelé, comme dans l’exemple suivant.

9. Exemple d’un travail de groupe en elearning

progression elearningCet exemple est extrait d’une formation tourisme.

Consigne : Rédiger un document illustré  de 6 pages maximum pour expliquer les principes et la méthode de nettoyage d’une chambre d’hôtel. (Le document sera ensuite mis à disposition des agents d’entretien des chambres). L’échéance de production est fixée à J+15

  1. Jour 1 : le travail est présenté aux étudiants le lundi sur la plateforme de formation (explications consignes), les groupes de travail sont indiqués. Les étudiants ont deux jours pour prendre connaissance de leur mission d’apprentissage, du calendrier proposé, des ressources éventuelles, de la façon dont il sera évalué, …
    L’enseignant peut avoir organisé une visio-conférence pour expliquer le travail, il peut aussi avoir préparé une capsule vidéo ou audio dans le même objectif. Il peut même se borner à rédiger des consignes claires et précises sur la plateforme.
  2. Jour 3 : les étudiants contactent les membres de leur groupe et organisent leur collaboration : choix de l’outil pour collaborer (Framapad, Dropbox, GoogleDoc, …) choix de l’outil pour les réunions de groupe (chat, visio-conf, conf tel, …), construction d’un planning de travail du groupe, répartition des responsabilité (animateur, rédacteur, fignoleur, etc.)
  3. Semaine suivante : tout le monde travaille pendant une semaine en mélangeant travail individuel et travail collaboratif, la rédaction collaborative commence à fournir une rédaction bien argumentée et bien structurée.
  4. Jour 9 : réunion de groupe. Les participants se mettent d’accord sur les améliorations nécessaires. Un des participants se charge du travail d’amélioration.
  5. Jour 11 : Relecture par tous les participants, chacun chez-soi. Les dernières corrections sont proposées sur le document collaboratif par des notes/commentaires
  6. Jour 12 : le document est mis à jour par le « fignoleur » (fautes de frappe, détail de mise en page, etc.)
  7. Jour 13 : réunion de groupe.  La décision de remise du travail est actée. Le livrable réalisé est remis sur la plateforme (ou par courriel suivant le cas)
  8. Jour 14 : le formateur peut commencer le travail d’évaluation, … à moins qu’il n’ait prévu un travail d’évaluation par les pairs sur la base d’une grille de correction avec critères.
  9. Jour 21 : les retours d’évaluation (notes, commentaires) sont transmis à chaque participant. Les travaux sont publiés sur la plateforme avec les commentaires de l’enseignant, et ils deviennent des ressources pour les étudiants.

Et ça marche !

Et ça marche !L’expérience m’a démontré que l’enseignement à distance fonctionne. J’ai suivi une formation professionnelle à distance de 3 ans, et elle a été efficace. J’ai moi même formé des étudiants à distance, et cela a fonctionné.

Ce dont je peux témoigner, c’est que cela donne énormément de travail de préparation à l’enseignant, mais que cet investissement est rentable.

Il faudra que je rédige un autre article pour expliquer cette « rentabilité », celui-ci est déjà trop long 😉

Pour résumer

  • Acquérir des compétences est différent d’acquérir des connaissances.
  • Les relations humaines comptent, à distance aussi
  • Apprendre en mode collaboratif est possible en ligne
  • Apprendre à plusieurs apporte des compétences larges
  • Le temps n’est pas le même à distance et en face à face
  • et … l’enseignement à distance, ça marche, si une pédagogie adaptée est mise en oeuvre.

apprendre et former à distance

1 réflexion sur “La formation à distance, ça marche !”

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